Liotard et la longeole
Jean-Etienne Liotard (1702-1789), artiste genevois star du pastel au XVIIIe siècle, mangeait-il de la longeole? Une question légitime, même si sur l’autoportrait observé il lui manque des dents et que, la longeole contenant de la couenne, elle n’est pas facile à mâcher si elle n’a pas cuit au moins trois heures ! Selon la tradition, cette spécialité genevoise, au bénéfice d’un indication d’origine protégée depuis 2009, aurait été inventée par un certain Abbé Longeot à la Chartreuse de Pommier (Haute Savoie). Le moine aurait eu l’idée de jeter des graines de fenouil dans la préparation d’un saucisson traditionnel. Nous n’avons pas de date pour cette histoire, mais la chartreuse ayant été pillée à la Révolution puis abandonnée, nous pouvons sans doute la situer avant 1793. La recette de la longeole n’apparait dans les livres de cuisine qu’au XIXe siècle, la plus ancienne mention datant de 1820 dans Le Glossaire genevois de Aimé-Jean Gaudy-Lefort. Ce qui ne veut pas dire que la longeole n’était pas présente au temps de Liotard. Par analogie avec le murson dauphinois dont la recette est proche, la longeole pourrait remonter au second Refuge, soit la vague d’émigration des protestants français après la révocation de l’édit de Nantes en 1685. Le père de Liotard, originaire de Montélimar, est lui-même arrivé dans ces circonstances à Genève. Alors, longeole ou pas longeole dans le régime de Liotard ? Impossible de trancher mais c’est plausible. Par ailleurs, malgré les longs séjours de l’artiste à Vienne (1743 -1745 et 1762-1763), difficile de savoir s’il a mangé des saucisses de Vienne. Les Viennois les appellent eux-mêmes Frankfurster Würtschen, « petites saucisses de Frankfort ». C’est un boucher originaire de Francfort sur le Main, installé à Vienne, Johann Georg Lahner, qui aurait inventé au début du XIXe siècle cette saucisse au fin boyau mélangeant viande de porc et de bœuf. Son inspiration lui serait venue d’une saucisse pur porc appelée saucisse de Frankfort et existant depuis la fin du Moyen âge. Leur nom, saucisses de Vienne, vient du fait qu’elles auraient été distribuées au peuple à l’occasion du couronnement à Francfort en 1572 de Maximilien II de Habsbourg, natif de Vienne, comme Empereur du Saint-Empire romain germanique. Celles-ci, Jean-Etienne Liotard, décédé en 1789, aurait chronologiquement pu les manger !