Interroger la valeur des mots n’est pas uniquement affaire de linguiste, c’est aussi la démarche de l’artiste. Stefano Boccalini s’y consacre en les faisant exister autrement que par l’écriture. Ils deviennent œuvres, matérialisés par l’usage de techniques manuelles traditionnelles. Ce changement de statut instaure de nouvelles réflexions, porteuses d’un dialogue entre la matière et la signification. Empreinte d’humanité, l’entreprise de l’artiste sollicite les valeurs communes et les spécificités des diverses langues, tout autant qu’elle rappelle le mérite de ce qui prend forme entre les mains de l’artisan. La Raison entre les mains s’incarne dans des œuvres déterminantes de l’artiste, à travers neuf vocables définissant des notions intraduisibles puisées dans diverses langues. Par le travail de broderie, sculpture sur bois, tissage et vannerie, ceux-ci acquièrent alors une matérialité sans perdre leur force de parole. En prolongement, pour la Maison Tavel dont les espaces entrent en dialogue avec ces œuvres, Stefano Boccalini a également travaillé dans les mêmes termes sur un choix de neuf mots glanés auprès de Genevois et de Genevoises qui les associent à leur ville. Nul doute que l’approche aurait intéressé Ferdinand de Saussure, le célèbre linguiste genevois