Description
Linteau de porte monumentale, fragment
Titre
Akhenaton en sphinx
À la fin de la XVIIIe dynastie, le pharaon Akhénaton (vers 1364-1347 av. J.-C.) s'affranchit du polythéisme traditionnel et déclara l’existence d'un dieu unique, s'incarnant dans l’orbe solaire.
Cette réforme religieuse s’accompagne d'un renouveau artistique : les formes relativement libres, la souplesse de la composition et l’utilisation du relief dans le creux sont typiques de l’art amarnien.
Ce relief représente, en bas à gauche, un sphinx dont le visage reproduit les traits du pharaon Akhénaton, coiffé du némès et protégé par l'uraeus. Ses membres antérieurs sont des bras humains qui tiennent un bouquet monté. Lui faisant face, un présentoir, situé en bas à droite, supporte un amoncellement d'offrandes indistinctes. Au-dessus, en haut à droite, se trouve le disque solaire, Aton, dont les vingt-deux rayons, terminés chacun par une main, se dirigent vers les offrandes et le visage du roi. L'un d'entre eux tend une croix ansée, la vie, au nez du roi. Les sphinx et les lions jouaient ordinairement le rôle de gardiens à l'entrée d'édifices importants.
Ce relief appartenait à une porte monumentale, dont d'autres éléments se trouvent à Hanovre, Kestner Museum (inv. 1964.3), à Boston, Museum of Fine Arts (inv. 64.1944), à Atlanta, Michael C. Carlos Museum = The Thalassic Collection, Ltd (P. Lacovara, KMT 12/2 [2001], p. 28 , voir aussi C. Aldred, "Akhenaton and Nefertiti", London & Brooklyn, 1973, p. 99, n° 13). Les portes à linteau brisé sont courantes dans les édifices solaires de l'époque. Le relief qui se trouve aujourd'hui au Museum of Fine Arts de Boston constituait vraisemblablement le linteau brisé droit de la porte. La localisation exacte de la chapelle est encore inconnue.
Traduction des textes à la gauche du globe solaire :
« Le maître du Double Pays Neferkhépérourê-Ouâenrê, le maître des apparitions Akhénaton, doué de vie, grand dans son temps de vie. »
« La grande épouse royale Néfertiti-Néfernéfrouaten, vivante éternellement et à jamais. »
« Que vive Rê-Horakhty qui se réjouit à l'horizon, en son aspect de lumière qui émane de l’orbe solaire, doué de vie pour toujours et à jamais, l'orbe solaire vivant, grand dans ses fêtes jubilaires, le maître du ciel, le maître de la terre, qui réside dans (le sanctuaire) “Ombre de Rê” dans (le temple) “Il construit l’horizon d’Aton” à Akhetaton. »
À propos des sphinx égyptiens :
L'iconographie religieuse pharaonique fourmille de représentations hybrides. En règle générale, une tête animale est placée sur un corps humain, ce qui permet d'évoquer une qualité particulière que l'on prête à cette figure, toujours divine. Le sphinx (de l'ancien égyptien shepses-ânkh « statue vivante ») procède d'une construction exactement contraire : une tête humaine surmonte le corps d'un lion. Le fauve est généralement représenté couché, mais il peut être passant lorsqu'il intervient sur des éléments de mobilier ou dans son dernier avatar, le dieu Tithoès (aux époques ptolémaïque et romaine).
Aux périodes anciennes, le sphinx est exclusivement une image royale (les textes comparent le souverain non seulement au lion, mais aussi au taureau ou au faucon, sans que leur transposition statuaire n'ait été si prolixe). Elle confère, par métaphore, la puissance et la force du lion au pharaon terrestre. Souvent érigés le long des allées processionnelles, les sphinx participent à la protection des lieux et peuvent être largement assimilés aux gardiens garant de la pureté des espaces sacrés, au même titre que le roi l'est de l'intégrité territoriale du pays.
Les sphinx possèdent également une forte connotation solaire. Faisant face au levant, le grand sphinx de Giza fut compris par la suite comme une image d'Harmakhis (Horus de l'horizon), le soleil matinal, par ailleurs roi des cieux. On comprend dès lors que le pharaon Akhénaton, qui privilégia un culte solaire quasi exclusif, n'ait pas répugné à se faire représenter sous l'image classique du sphinx, présentement pourvu de bras humains avec lesquels il élève un bouquet en offrande.
Selon les contextes, les sphinx peuvent présenter des variantes locales. Dans les temples d'Amon, ils peuvent être remplacés par des béliers couchés ou des lions à tête de bélier (criosphinx). D'autres images sont plus complexes : des statues ou bas-reliefs de crocodiles à tête de faucon, dont la « fabrication » iconographique s'inspire certainement du sphinx, expriment probablement des réalités différentes, de même que certaines représentations de la déesse Rénenoutet (fertilité), dont le visage féminin surmonte un corps de serpent (cobra).
Contrairement à son homologue grec, le sphinx égyptien est masculin (les reines-pharaons, comme Hatshepsout, conservent le corps d'un lion mâle). Une contrepartie féminine existe dès la XVIIIe dynastie, sous forme d'une lionne ailée (à tête de femme), « sphinge » qui pourrait avoir inspiré les artistes hellènes. L'énigme proposée à Œdipe pourrait également avoir une origine égyptienne, si l'on prend en compte le rapport privilégié qui lie sphinx et soleil, dont les textes affirment qu'il est Khépri (scarabée) au matin, Rê (homme) à midi et Atoum (vieillard appuyé sur sa canne) le soir.
PLUS D’INFORMATIONS SUR L’OEUVRE
Bibliographie
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