Description
La jeune fille et la Mort, planche C
"Cette commande très officielle de la Chalcographie du Louvre était très libre, aucun sujet n'était imposé. Le Louvre étant le lieu le plus érotique que je connaisse, j'ai pensé qu'il fallait faire une dame. J'avais en mémoire la gravure de Picasso "Dame regardant un objet surréaliste". En inversant, on a une dame qui est regardée par un monsieur et par un âne, ça se voulait être comique, produire de la bonne humeur. Mais tout ça, c'est terriblement sexué, ça devenait embêtant, le Louvre n'aurait pas accepté. Alors j'ai transformé les bonshommes et les ânes en squelettes. Du coup c'est devenu tout autre chose, non pas "La jeune fille et la mort", mais "la jeune fille se faisant trousser par un squelette", ce qui est encore pire, Tout ça a doublé les gravures et donné de multiples variantes. Plus tard, j'ai retrouvé une gravure de Dürer sur le thème de la dame montée sur un homme à cheval... C'est là que le mot "inconsciemment" veut dire quelque chose. Ces gravures comico-érotiques, légères, légères, m'ont permis d'avancer dans la question de la figuration et facilité le passage à une peinture plus narrative." (J. P. Pincemin, in cat. Chauvineau, p. 156)
Venu de l'horizon du groupe français Support/Surface, qui au début des années 70 insistait dans un esprit minimaliste et une organisation souvent géométrique sur la matérialité de la peinture, Jean-Pierre Pincemin s'adonne aujourd'hui à la liberté du décor et de la figuration, du geste spontané et du récit. Retenues au sein d'une douzaine de dessins gravés avec une verve allègre et brute, tous consacrés au même sujet, les deux réalisations confrontent la «jeune fille» (l'une est évidemment empruntée à Picasso) à la figure équine revêtue par la Mort (âne ou cheval, vieille incarnation du désir et de la possession). Ce thème artistique autant qu'existentiel renvoie moins à Schubert qu'au Louvre. L'artiste, qui y a «vu ses premières femmes nues», suggère que «pour cette noble maison, ce qu'il y a de mieux, c'est encore l'érotisme» - celui, justement, qu'il «ne peut pas retirer de la peinture». (rmm)