Edouard Vuillard, promis tout d'abord à une carrière militaire, s'engage progressivement sur le chemin de la peinture. Ses aspirations artistiques ainsi que ses liens d'amitié avec Pierre Bonnard et Ker-Xavier Roussel l'amènent à faire partie du groupe des Nabis. À la recherche de nouveaux moyens d'expression, tous prônent la planéité des surfaces, l'intensité des couleurs et s'affranchissent du modelé illusionniste des corps. Cette expérience nabie - l'on situe la fin des activités du groupe au début des années 1900 - sera d'une influence capitale pour l'ensemble de son oeuvre; il s'en détachera toutefois petit à petit, sa palette s'allégeant, la composition s'articulant à nouveau progressivement selon les lois traditionnelles de la représentation. "Conversation dans le jardin" [Tente rayée] se situe à mi-chemin de cette évolution : la palette s'est éclaircie, la perspective tente de poindre, le tout laissant encore place à une certaine planéité de la surface. Le thème de la conversation est présent dans tout son oeuvre; une conversation intime, menée dans des intérieurs feutrés - l'appartement familial ou l'atelier de couture de samère -, qui s'ouvre peu à peu vers le dehors. Il passe alors «du monde fermé du poème à l'univers du roman, relié au monde réel, à la peinture d'une société». Dans les premières années du siècle, Vuillard entame en effet une vie nouvelle, fréquentant la société de Jos et Lucy Hessel, amis et protecteurs, qu'il suit dans leurs villégiatures, en Normandie, en Bretagne... C'est précisément lors d'un de ces séjours qu'il peint "Conversation dans le jardin", mettant en scène ses proches. L'ensemble, par un subtil jeu de couleurs, une certaine indétermination de l'espace, offre au regard non pas représentation de la chose vue mais suggestion et allusion. (Isabelle Payot Wunderli, Birgitte Monti, La donation Roger et Françoise Varenne, Genava, 2011, p 86-87)