
Carte blanche donnée à l'historien de l'art Jean-Hubert Martin, l'exposition Pas besoin d'un dessin revisite la collection du MAH de manière aussi originale que réjouissante. Le parcours d'une vingtaine de salles thématiques inclut un chapitre intitulé "Du sein à la maternité" que le commissaire introduit ainsi dans le catalogue de l'exposition:
«La Vierge allaitant a été tellement diffusée et reproduite dans la chrétienté à partir
du XVe siècle qu’on aurait tendance à croire qu’il s’agit d’une spécificité occidentale,
or on la retrouve dans un certain nombre d’autres religions. Les images de
déesses-mères sont apparues dès la Préhistoire. En Égypte, le culte d’Isis a connu
un énorme succès et s’est répandu entre le IVe siècle av. J.-C. et le IVe siècle de notre
ère sur tout le pourtour méditerranéen, poursuivant sa progression dans l’intérieur
des terres jusqu’en Allemagne. Les sculptures d’Isis allaitant Horus, aussi dénommé
Harpocrate, se sont largement diffusées dans l’aire romaine. Son culte doit son
succès à la promesse d’une résurrection et à la relation individuelle que chaque
croyant pouvait établir avec la déesse, quelle que soit sa classe sociale. Il s’est de
ce fait répandu dans les classes populaires. La mythologie gréco-romaine ne
connaissant pas d’image de déesse allaitant, il est probable qu’Isis ait servi de
modèle pour la Vierge chrétienne. Dans l’hindouisme, Tara allaite Shiva et des statuettes
du Congo montrent une mère avec son enfant au sein, sans qu’on ait pu
déterminer s’il s’agissait d’une influence chrétienne.
Au XIIe siècle, Bernard de Clairvaux en prière devant une statue de la Vierge
allaitant s’adressa à elle en lui disant: «Montrez-vous une mère.» Le miracle veut
que la Vierge ait alors pressé son sein de manière à envoyer un jet de lait dans la
bouche du moine. L’assoiffé d’amour virginal fut ainsi récompensé. La particularité
de la peinture est qu’elle déroge au texte, car c’est, comme des stigmates, dans la
main du saint qu’atterrissent les gouttes.
La Charité romaine est un sujet récurrent au XVIIe siècle pour évoquer
l’exemple de la piété filiale. Comme le raconte Pline l’Ancien, la fille d’un condamné
à mort par jeûne rend régulièrement visite à son père en prison pour lui donner le
sein. Outre la dimension érotique, depuis Freud, l’interprétation de cette allégorie
morale s’est complexifiée.
Le sein reste un marqueur de la sexualité que ce soit chez la Courtisane endormie
de Frans van Mieris ou chez La Rêveuse de Jean-Baptiste Greuze, toutes deux
à leurs songes d’amour, ou encore chez la Diane langoureuse d’un bas-relief du
début du XVIe siècle que la rondeur des seins transformerait presque en haut-relief.
Les obsessions sexuelles de Salvador Dalí se concentrent sur le sein qu’il
malmène de diverses façons par arrachage, découpage, instrumentalisation et surtout
par hypertrophie nécessitant le soutien d’une béquille.
Deux biberons du début du XIXe siècle, en étain et en verre, rappellent que cet
ustensile existe depuis l’Antiquité, lorsqu’il faut pallier l’absence de lait maternel.»
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