Carte blanche donnée à l'historien de l'art Jean-Hubert Martin, l'exposition Pas besoin d'un dessin revisite la collection du MAH de manière aussi originale que réjouissante. Le parcours d'une vingtaine de salles thématiques inclut un chapitre intitulé "Du cheveu à la barbe" que le commissaire introduit ainsi dans le catalogue de l'exposition:
«Dans le culte des reliques saintes, le christianisme, l’islam et le bouddhisme ont de
manière égale montré leur vénération pour les cheveux – quelques fois un seul – des
dieux, des prophètes et des saints. À la suite de la lutte de la philosophie des Lumières
contre l’obscurantisme religieux, la préservation de cheveux pour le souvenir d’une
personne a dérivé vers les grands hommes, avant d’atteindre le cercle familial et les
relations amoureuses. Les petits reliquaires de cheveux en composition décorative
sous un verre bombé sont donc légion au XIXe siècle. On va jusqu’à faire des bracelets
à partir de cheveux de la personne aimée. Sans aller jusqu’à la longueur de ceux
de Marie-Madeleine, les cheveux féminins étaient souvent très longs, exigeaient
des soins (Alfred Edward Chalon) et permettaient lorsqu’on les coupait d’en faire
des postiches. Les objets servant à la coiffure: brosses (Jean Dunand) et peignes
en corne ou en écaille de tortue sont raffinés et délicatement ouvragés.
Du côté masculin, la perruque a longtemps été de mise et pouvait prendre les
formes les plus extravagantes. Dans l’Antiquité, les barbes sont taillées selon des
modèles plus ou moins fournis et longs, parfois en favorisant les boucles similaires
à celles des cheveux. La barbe, assujettie à la mode, est un signe distinctif d’appartenance
clanique, mais peut aussi être le signe de l’attente d’un événement décisif
dans la vie du porteur. Les barbes des réformateurs sont particulièrement bien
mises en valeur sur les bois sculptés qui en accusent le volume. Les signes de virilité
que sont les moustaches s’imposent pour les militaires qui les font découper dans
l’acier de leur armet, les faisant ainsi apparaître en creux, en contradiction avec le
volume qu’elles devraient prendre. Le barbier, dont les instruments luxueux peuvent
être en argent, peut opérer sur un perron en agréable compagnie (Henri Baron) et
s’adonner sans doute au rasage plus souvent qu’à la coupe des cheveux. La barbe
a toujours eu un certain succès en Suisse, mais la période de Ferdinand Hodler
semble avoir été particulièrement faste, si l’on en juge d’après ses innombrables
autoportraits, mais aussi ses modèles et ses contemporains. La famille de l’artiste
James Vibert où la stature colossale était de mise, affectionnait une barbe rousse
très fournie et taillée presque au carré (Ferdinand Hodler).
Aujourd’hui où le transgenre est à la mode, Jennifer Miller qui a porté la barbe
pendant des années s’affiche nue sur un calendrier de Zoe Leonard. Sa fierté manifeste
aurait peut-être pu rendre jalouse Madame Robineau qui, grâce à la présence
de la peinture de Jean-Baptiste Bonjour (XIXe siècle) à la Maison Tavel, est devenue
célèbre. Plusieurs femmes à barbe à cette époque, au lieu de se cacher, arboraient
fièrement cet attribut masculin.»
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