
Carte blanche donnée à l'historien de l'art Jean-Hubert Martin, l'exposition Pas besoin d'un dessin revisite la collection du MAH de manière aussi originale que réjouissante. Le parcours d'une vingtaine de salles thématiques inclut un chapitre intitulé "De l'amour à la haine" que le commissaire introduit ainsi dans le catalogue de l'exposition:
"Une statistique iconographique opérée dans les musées des beaux-arts montrerait
sans doute la très importante proportion de peintures consacrées à l’amour ornant
autrefois les cabinets qui lui étaient dédiés (Eustache Le Sueur). Il est donc aisé
d’en tirer une sorte de suite narrative.
Dans la pénombre ambiguë d’un salon bourgeois,
une femme fait valoir ses jambes (Émile Chambon), qu’une autre découvre
pour refixer son bas, qui est le prétexte pour une plaisanterie sur le Bas-Relief comme
les adoraient les participants au salon des Arts incohérents à la fin du XIXe siècle.
Les femmes au bain sont vues dans leur intimité et exhibent leur nudité (Edgar
Degas, François Diday, Pierre Victor Galland), non sans humour avec les Femmes
nues jouant aux dames de Félix Vallotton, auquel Bertrand Lavier renvoie sa superposition
d’un damier et d’un échiquier. L’homme se met à l’unisson et se déshabille
(Jean Huber) puis débutent le flirt (sous l’arbre à la fente suggestive d’Henricus
Josephus Antonissen) et les approches masculines. L’heureuse issue est le mariage
dont l’amour éternel est inscrit sur l’éventail.
Mais les fantasmes assaillent l’homme
avec l’insistance d’une Tentation de saint Antoine (Wolfgang Adam Töpffer). Leur
version païenne est incarnée par des satyres s’emparant de belles alanguies ou
endormies (Adriaen van der Werff et James Pradier). Leur origine réside dans les
bacchanales dont la représentation sur les vases grecs fait étalage d’une sexualité
débridée. La même sexualité masculine est exhibée par le dieu Priape, non pour des
plaisirs momentanés, mais pour promouvoir la fertilité des fruits qu’il apporte. La
volonté de réaliser des fantasmes aboutit dans certains cas au viol (Francisco de
Goya) euphémiquement intitulé « Enlèvement » en art. Pour éviter ces exactions, les
hommes se tournent vers les maisons closes avec leur lot d’entremetteuses et de
maquereaux. En cas d’arrestation, suivant une ordonnance de Genève de 1566,
« [l]’entremetteur ou l’entremetteuse qui aura procuré une simple paillardise sera
mitré et fouetté publiquement et banni perpétuellement à peine de la vie ». Afin de
rendre les images sur les mitres didactiques et pédagogiques, on a fait appel au
peintre Pierre Favre. Rien de plus explicite que les estampes japonaises pour la
consommation de l’acte, comme le veut le dicton.
L’expression du désir passe par toutes sortes de jeux, symboles et métaphores
où les objets ont leur place: bilboquet, conque et sautoir. L’union du mariage est fragile et l’adultère guette, mettant en place le trio
infernal du vaudeville. Toléré, lorsque le mariage de raison était de rigueur, il trouve
sa matérialisation jusque dans le mobilier avec l’indiscret à trois places. Jalousie,
scène de ménage, haine peuvent aller jusqu’au meurtre et à l’affrontement des
sexes (Ferdinand Hodler, Goya, Herme bicéphale d’après Alcamène) dont Vallotton
donne quelques représentations majeures. L’homme n’est pas toujours le gagnant :
sainte Catherine d’Alexandrie le piétine et Félicien Rops, dès la fin du XIXe siècle,
prend le parti des femmes."
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